Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/238

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Au delà interdit. Cette impiété est pieuse. Peut-être donnerait-elle un grand caractère mystique au vandalisme affreux des gens de la Révolution : ces gens-là ne savaient point ce qu’ils symbolisaient et c’était l’invincible, l’irrésistible élan de l’âme humaine vers le Dieu dont elle est éprise, qu’elle ait ou non conscience de son amour. M. d’Aurevilly est bien dur pour cet amour qui s’ignore. Mais cette dureté implacable lui a fourni l’angle solide qui fait son œuvre si imposante. Du haut de ce mysticisme démodé, comme retrouvé et qui s’est tout noirci au long des siècles, le Poëte regarde autour de lui sans trouble et, ramenant tout à sa pensée unique, fait, lui encore, une synthèse de l’heure nouvelle selon les lois, qu’il entend toujours sonner, des vieilles heures. Lui encore il sait le merveilleux des choses, il a le plus intense sentiment de la modernité, le secret de la Physionomie et la langue personnelle. Cette langue, une des plus belles qu’on puisse lire en aucune littérature. Éloquente et subtile, et poétique, austère et passionnée ; comme des ciselures dans un mur très ancien et qui s’effrite, mais dont les pans ruineux restent debout par un sortilège et ne tomberont jamais ; sombre, avec tout à coup des mots de lumière qui tyrannisent (cette définition de l’Enfer : « Le ciel en creux »!) ; excessive à l’ordinaire, mordante, cassante et déchirante, parole de dandy sadique, et