Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/268

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une imagination plus joyeuse, une sensibilité moins empêchée de piqûres d’épingle. Mais ce qu’il pouvait et, donc, devait faire, M. Bourget le fit. Il relut Balzac et surtout Stendhal, M. Feuillet aussi, et aux romanciers qui ne connaissaient que des créatures toutes de sensations, opposa des créatures dont les mobiles d’actions sont des sentiments. — En ce genre, Deuxième Amour est un chef-d’œuvre. Mais le grand tort de M. Bourget, où l’induisit, je suppose, sa nature délicatement sensuelle, trop dolente et, dirais-je, douillette, fut de laisser dans ses romans d’âme s’insinuer la tristesse animale des romans de chair. Il a contribué comme un autre et pour sa cote-part à la « grande enquête » ; comme un autre il écrit l’histoire des mœurs contemporaines et chez lui, comme chez tous, « l’auguste mensonge » de la fiction du récit n’est qu’un prétexte aux « vérités des détails », un fait-divers qu’il préfère élégant alors que d’autres le préfèrent vulgaire, et la différence n’est pas sensible. — Poëte et romancier exquis, M. Bourget est encore un très important critique, bien inspiré, de Sainte-Beuve et de M. Taine, et fondé en œuvres.

Un autre critique a écrit aussi des vers. J’ai dit ce que valent les vers de M. Lemaître : j’ajoute qu’ils valent un peu plus que le Sully-Prudhomme tendre qu’il imite, par ce qu’il imite aussi Théophile Gautier. Quant à sa critique, elle est très