Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/291

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brouilla tout, les deux pôles se rapprochent, mais l’Art reste roi et considère la Science comme sa servante : Buffon prête ses manchettes à la Nature. Aujourd’hui tout est changé. Dans cet étrange désarroi produit par la collision des formules et par les difficultés énormes qu’il faut vaincre pour accomplir l’œuvre d’art définitif, l’Art a perdu sa morgue ancienne devant la Science et l’Artiste demande volontiers des conseils au Savant. La Science en a profité pour envahir l’Art et particulièrement la Littérature. La critique littéraire est un peu dédaignée par la critique scientifique. Quelques-uns veulent croire que les conclusions des savants et leurs très curieuses expériences[1] dans la science des tons et des sons parviendront à supprimer les dangereux hasards de l’instinct. Je n’y crois guère et j’estime bien plus dan-

  1. Voir en particulier dans le no 19 du tome VII de la Revue Indépendante (mai 1888), l’étude de M. Charles Henry : Cercle chromatique et sensation de couleur, et du même, dans le no 4 du tome II de la Revue Contemporaine (août 1885), Une Esthétique scientifique. « On s’acheminera sans doute par cette voie (scientifique) vers la connaissance des lois de cette harmonie supérieure et délicate des bruits et des sons. Il va sans dire que la poétique doit dès maintenant tenir compte des nombres rhythmiques : elle gagnera aux classifications de rhythmes la science des métaphores possibles. Une métaphore dans le langage parlé ou écrit n’est autre chose que le sentiment de la relation qui lie deux changements de direction plus ou moins semblables : plus les changements sont subtils et profonds, plus la formule est complexe, plus la métaphore est belle. — Je ne conteste pas l’intérêt extrême de ces re-