Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

thousiastes à M. Gounod. Ce que nous adorons en Bach, Beethoven, Mendelssohn, Schubert, Schuman, Berlioz et Wagner, c’est cela même que nous adorons en nos poètes préférés et cela aussi que nous adorons encore en MM. Puvis de Chavannes, Gustave Moreau, Besnard, Odilon Redon, Eugène Carrière, Cazin, Rapin, Monticelli, les Primitifs, cela même que quelques autres poètes de cette même heure goûtent en ces peintres plus encore qu’en ces musiciens : c’est bien sous ses trois aspects divers le même idéal.

D’ailleurs, si la Musique nous passionne en effet plus profondément et plus généralement que la Peinture, c’est que celle-là est à la fois plus lointaine et plus intime, plus près de l’origine et de la fin des sentiments et des sensations que celle-ci. La ligne et la couleur se fixent et défient le temps : le son, à peine exhalé, lui cède ; il vit de mourir, c’est un grand symbole ! Mais il se dépasse lui-même, il force le silence dans ses dernières retraites et y réveille l’écho ; c’est toujours un appel vers quelque chose d’inconnu, de mystérieux, une exhalaison, une expansion de l’âme. Et tout lui revient, cet éphémère est la voix de l’éternité, sert de mesure aux choses de plus ambitieuse durée : une peinture est harmonieuse, une poésie est mélodieuse. La Peinture est un témoignage, la Musique est une aspiration. L’âme s’essore de soi par la musique et reprend sa propre conscience