Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/32

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les « grandir » c’est, pour le Poëte, de rester lui-même, d’aller de lui-même aussi haut, aussi loin qu’il pourra. Le seul évangélisme qu’il leur doive, c’est de les forcer à lever les yeux s’ils veulent l’apercevoir. C’est aussi toute la part qu’on soit en droit d’exiger de sa coopération au grand œuvre de l’Humanité. Puisque le Poëte est l’interprète de la Beauté — or, la Beauté est le signe de la Vérité, — sa tâche humaine n’est autre que de témoigner le plus glorieusement qui soit en lui de la dignité de l’espèce. Pour rester idéale, dans l’œuvre poétique, cette dignité ne jure point de ne s’étendre jamais à des manifestations effectives. Il germe moins de basses pensées chez les lecteurs de Dante, ou de Gœthe, ou de Balzac, que chez ceux de M. Dumas, par exemple, ou de M. Sardou ; Louis Lambert féconde l’esprit de plus hautes pensées que Les Parents Pauvres[1].

Comment pourrait une imagination ne pas surveiller ses plus ou moins nobles écarts, quand elle est toute lumineuse encore des reflets d’une grande Pensée ? Et c’est ainsi qu’autour des palais et des

  1. On se garde de laisser croire qu’on soit sans goût pour ce livre, mais on admire d’avantage les Œuvres Philosophiques où pourtant, c’est à craindre, les esprits « un peu au-dessus de la moyenne » prendront moins de plaisir et trouveront moins de clarté que dans les études de la vie plus ordinaire : si pourtant ils ont pris la peine qu’il faut pour bien entendre Louis Lambert, Seraphita, La peau de chagrin, La recherche de L’Absolu, etc., leur développement spirituel y a gagné.