Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mathias Morhardt aussi est une âme de poète emprisonnée dans les besognes du journalisme. Il a fait de très beaux vers, d’une étrange et métallique solidité, vers bardés de grands mots inflexibles, adverbes et verbes préférés, qui prêtent à la page de vers une attitude roide qui est un caractère. C’est un platonicien très entêté, — ainsi qu’il faut. De lui cette superbe phrase rhythmée :


C’est la nature, en moi, qui passe et moi qui reste ![1]


et c’est aussi un sentimental, non pas tant délicat que sincère, pénétrant, ému. — Quant à la forme des vers, il s’en tient, à peu près, aux premières libertés des pluriels rimant aux singuliers et garde le sens et l’amour du grand alexandrin, tels :


C’est les vieux empereurs germains, au geste lent
Montrant la tiare d’or sur des coussins sanglants :
Cortège impérial qui revient d’Italie……


Son idéal : une puissante pensée centrale rayonnant en des expressions de sensualité sentimentalisée : idéal synthétique.


Ernest Jaubert est un très probant exemple de la marche qu’ont dû suivre bien des poëtes, en ce temps. Influencé d’abord par des écrivains de la génération qui nous précède, à peine eut-il aperçu l’idéal nouveau, il y vint, naturellement et néces-

  1. Mathias Morhardt : Hénor.