Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/34

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de ceux qui nous lisent aujourd’hui d’un œil distrait et défiant. Si elle peut résoudre en actions, chez nos descendants, nos fugitifs désirs, en crimes nos mauvaises pensées, en bonnes œuvres nos velléités de vertu, l’héridité résoudra, d’une génération à l’autre, les doutes en certitudes et les ombres en clartés.

Les Poëtes ont un peu de la patience du Dieu de lumière dont leur génie participe. Par delà toutes railleries passagères ils restent la portion glorieuse de l’humanité. Car si quelque envoyé de Vénus ou de Sirius venait demander aux habitants de la Terre ce qui leur fait le plus d’honneur, les hommes auraient vite pesé leurs capitaines, leurs banquiers, leurs politiciens et même leurs savants : que valent, au regard des étoiles, nos exploits sanglants, nos trésors conventionnels, nos dissensions d’opinions et de frontières, — et qui sait si les vivants des autres mondes n’ont pas obtenu, dans les sciences, des conclusions plus profondes que les nôtres ? Seules les fictions, avec leurs intuitions hardies, leurs harmonies, leurs belles couleurs, donnent la plénitude et l’assurance du bonheur spirituel, — et les hommes, pour se glorifier, ne pourraient désigner au messager lointain que leurs Poëtes.