Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/348

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toujours un arrière-accent de plainte, c’est le sanglot qui croit se cacher dans un rictus : l’humanité n’en sanglote pas moins-vraiment, la portion innombrable et lâche d’humanité qui ne veut plus entendre parler de l’Absolu dont elle a démérité. C’est pourquoi elle sera sourde aux vrais poêles, car c’est d’Absolu que tous lui parleront, car c’est vers l’Absolu qu’ils tendent tous. Absolu dans la Pensée, Absolu dans la Fiction, Absolu dans l’Expression. Cette Trinité radieuse, je le sais bien que nul ne la possédera dans l’adéquat. C’est pourtant l’héritage naturel de l’Homme tel qu’il devrait être. Au moins, que quelques uns attestent qu’ils ne se consolent pas d’avoir été dépossédés. — Cette belle lamentation des poëtes, ces veilleurs dans la nuit du monde ! entraîne la condamnation de ce monde endormi. Et il ne se méprend point : il répond par les protestions inoffensives d’un mépris qui voudrait nous atteindre, — mais les choses pesantes ne peuvent d’elles-mêmes monter. Au fond, les gens ne sont point si rassurés ; confusément, ils comprennent que l’œuvre de l’Esprit Solitaire qui seul mérite la dignité humaine, tandis que les gens rivalisent de sottise et de brutalité, ils comprennent que l’œuvre et l’âme du Poëte sont, pour la société telle qu’elle s’est voulue, un danger social : que si le génie parvenait à sa propre et parfaite réalisation, c’est-à-dire à son propre avènement dans l’Absolu, cette étreinte