Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/388

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

papotages idiots d’un peuple « raisonnable ». Aussi bien l’humanité n’a-t-elle jamais consisté qu’en une infime minorité d’hommes libres dans une immense majorité’d’esclaves….

Ici la pensée du Poëme est complète. Le premier des trois actes qui composent l’action esthétique est accompli : d’elle-même, la Fiction va naître.

II. SYNTHÈSE DANS L’IDÉE. FICTION.


La « Fiction Poétique » a toujours eu pour but de procurer aux esprits l’admiration de l’inconnu et l’illusion d’un autre monde, — soit en prenant loin dans le temps la date du poëme, soit en mettant aux environs des antipodes le théâtre de l’action. — L’Analyse pouvait se passer de fiction. Par cela seulement qu’elle opère en pleine irréalité humaine, puisqu’elle suppose isolés les éléments qui dans le vrai sont joints, elle est elle-même une suffisante source d’illusion. Aussi tantôt en use-t-elle avec la plupart des Classiques et des Romantiques, tantôt s’en prive-t-elle avec quelques Classiques, quelques Romantiques et tous les Naturalistes. (On pourrait apprécier la vérité humaine et esthétique des trois formules selon qu’elles emploient ou négligent davantage la fiction.) — De grands écrivains modernes, comme Balzac et M. Barbey d’Aurevilly semblent dédaigner la Fiction pure et prouvent seulement que : ce recul proportionnel dans le temps et dans l’es-