Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/399

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tel tempérament donné, pourquoi ne pas soumettre à une rime principale, initiale ou médiane tout le système de rimes du poëme ?..

Comme le poëme n’est qu’une phrase, le vers n’est qu’un mot, — et tel est justement le sens de l’initiale capitale du vers, cette initiale qu’il faut se bien garder d’abolir. Mais concevrait-on qu’un mot s’isolât d’une phrase ? Ainsi le vrai vers n’a toute sa vie qu’à la place où le fixe la volonté du poëte. C’est pourquoi il faut condamner le vers-proverbe, — si essentiellement français, croit-on, et aussi, hélas ! ne se trompe-t-on guère. Le tempérament français, pour trop de logique, manque d’esthétique. Notre poésie n’est ni assez vague ni assez concentrée. Nos poëtes vagues se relâchent à l’excès ; nos poëtes concentrés se resserrent trop : Lamartine, Baudelaire. Et c’est ce qui a conduit les efforts décadents, quand ils ont voulu pourvoir la poétique française des qualités de la poétique anglaise ou allemande, à brutaliser l’instrument latin. — Pourtant, et fût-ce en exploitant jusqu’à nos défauts, on peut concevoir en notre langue de beaux poëmes, dont voici, par le plus court, la théorie :

Des vers très-vagues flottent autour de l’idée, l’étagent en ses divers sens ménagés par de successives et préparatoires méprises reflétées d’avance et ensuite dans la prose environnante, reculent la signification totale en l’éclat embelli