Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/49

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combien plus poignante, des drames spirituels peut-être usés, peut-être oubliés. La foi grecque aura une splendeur de couchant avec les philosophes et les poètes alexandrins, mais moins de certitudes que d’aspirations, plus de regrets que d’espérances : l’Imagination s’est compromise à l’assuétude du sentiment, la Grande Imagination grecque a perdu sa merveilleuse fécondité ; elle se complaît en des subtilités délicieuses, en des raffinements adorables : elle n’a plus le frisson. C’est une décadence éclairée, une seconde enfance qui sait les Grâces de l’enfance, l’assurance divinatoire de sa naïveté, le don qu’elle a comme de faire vraies les croyances qu’elle accepte. Mais cette seconde enfance n’en est pas moins sénile, stérile et l’art l’abandonnerait : heureusement que la civilisation antique, facticement consolidée, va s’effondrer .. — Il en va de même à Rome où, toutefois, moins de sincérité qu’en Grèce unit l’Art à la Religion, à cause, sans doute, que la race, non autochtone, vit de traditions plutôt transmises par la mémoire qu’inventées par l’intuition.

— Il en va pleinement de même au levant de la civilisation moderne. Tout l’art du Moyen-Âge est chrétien, des fresques des Primitifs aux flèches des cathédrales, de Dante à Palestrina. La Renaissance altère l’union de la Religion et de l’Art, menace de les séparer, — et c’est-à-dire que le Christianisme se corrompt, s’anémie, entre presque