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Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/59

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prose, rien en science. Rien au positif, voilà le résultat de Voltaire. Au négatif il se revanche et ce vent de néant qu’il souffle a tout fané autour de lui. Une contagion de néant ! Rien en littérature, durant tout un siècle ! — malgré, vers la fin, quelques esprits aigus : mais est-ce de la littérature, la polygraphie de Diderot, les méchancetés de Ghamfort, l’esprit parlé de Rivarol et du Prince de Ligne ? On n’a pas trouvé dans l’affranchissement des croyances religieuses cette liberté de l’harmonie et de la couleur dont les poètes du siècle précédent avaient la nostalgie vers les naïvetés des troubadours et qu’usurpaient parfois un Racine, un La Fontaine. Au XVIIIe siècle on se stérilise comme à souhait dans le dessèchement de l’imagination par la sécheresse du cœur. Même Beaumarchais, Marivaux lui-même et jusqu’à l’abbé Prévost, tout sensibles qu’ils se disent, ont, pour être des poètes, trop de cet esprit qui n’est pas lyrique, et la liberté leur manque. Voltaire en tête, tous les prétendus poètes de ce temps-là se traînent dans la plus plate et la plus servile obéissance aux injonctions des faiseurs de prosodies et de rhétoriques, et Shakespeare qui lui fut révélé n’illumine pas l’esprit aveugle de Voltaire !

Quant aux plus célèbres des prosateurs autour de Voltaire, ils font de tout liltérairement sans vraiment faire de la littérature : de l’histoire naturelle (Buffon), de la philosophie du droit