Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/63

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mistiche à Thomas ! Et ce qui fait plus vaine encore toute cette gesticulation théâtrale, c’est que ces poètes n’ont dans leurs têtes impersonnelles que des idées générales ; ils portent une vieille défroque de philosophie qui montre la corde et pourtant résiste encore et, plutôt que d’abdiquer devant le vêtement religieux qu’on vient de remettre à neuf, lui cède une partie du costume spirituel, se réservant l’autre : si bien que les esprits de ce temps-là ont véritablement porté le costume d’Arlequin ! D’ailleurs ils n’en sont point gênés. Ils se complaisent aux accessoires de leur rôle. L’air ténébreux, le regard fatal sont à la mode. On a inventé de jouer à froid la grande passion. Tout est devenu normalement anormal et les grands criminels, qui ne sont, à proprement parler, que de grands lâches, passent pour des manières de héros qu’on aime, qu’on célèbre : mais, encore une fois, cela reste dans l’imagination, on ne les imite guère et les romantiques, dans leurs ménages vrais ou faux, sont des citoyens paisibles que le code ne gêne pas. N’empêche qu’ils affectionnent tous des altitudes d’emphase, espagnoles, italiennes, de perspective théâtrale. Leurs modèles ont, dans l’histoire, des dates connues, des allures connues, des livrées connues : on se vêt comme eux, on parle, on écrit leur langage et les vivants de cette heure chimérique ont des profils de médailles, — je veux dire arrangés d’après les médailles, et