Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/84

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Il y a toutefois, sur la vérité de cette loi, trois observations importantes à faire.

Comme de tout ce qui vit, la loi première de l’esprit est d’agir selon sa nature : or c’est la même causale force, — la Pensée, — qui produit les événements d’une révolution et les œuvres d’une période artistique. L’action de l’esprit est au principe de ces événements aussi bien que de ces œuvres : et c’est là même pourquoi les époques troublées politiquement sont artistiquement engourdies ou mortes, car l’esprit ne peut faire deux choses à la fois et quand il se livre aux actions extérieures, quand il descend aux gestes publics, c’est qu’il a quitté ses hauts et intimes domaines. Mais il y remonte avec d’autant plus d’ardeur qu’il les a plus longtemps laissés. Sa nécessité, dis-je, est d’agir : il se repose de l’action politique par l’action poétique. — Rien donc d’étonnant et rien même de plus essentiel si les deux actions offrent entre elles cette corrélation que constate l’histoire : ce sont deux émissions de la même voix, deux coups du même vent… Ou plutôt, pour choisir dans la foule des images : c’est le flux et le reflux de la mer. Comparaison juste : le domaine naturel de l’esprit humain, c’est la pensée pure et, quand il s’extravase jusqu’aux manifestations historiques, il semble dépasser ses limites éternelles, comme la mer à l’heure du flux. Mais l’heure du reflux ne tarde pas, l’esprit et la mer réintègrent