Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/88

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c’est le défaut qui nous écarte de cette formule et ne lui laisse, d’abord, que les apparences d’une réaction.

Les Romantiques ne s’apercevaient pas que cette sorte de contre-règle : « Tu feras, en tout, le contraire de ce que firent ceux qui te précédèrent », supprimait le libre arbitre de l’artiste aussi sûrement que pouvait faire l’étiquette elle-même. Et c’est pourquoi le Romantisme, tout s’équipollant à son regard égaré, promulgua par la bouche de son législateur cette affirmation étonnante : « En art, le beau et le laid se valent. » Les sorcières de Macbeth avaient dit quelque chose d’analogue : « Le beau est le laid, et le laid est le beau. » Mais c’étaient des sorcières et c’est le mensonge qui parlait en elles. Victor Hugo répéta le mensonge avec la candeur d’une sincérité un peu initiale.

— Le pire et, toutefois, le providentiel, c’est qu’il avait raison, provisoirement ; c’est que, dès que l’esprit perd, dans le drame spirituel, son rôle naturel de protagoniste, dès que le Composé humain abdique sa faculté de penser, c’est à dire de choisir entre la Vérité et son contraire, le Beau et le Laid, qui sont les espèces du Vrai et du Faux, deviennent indifférents : plus rien n’importe, que de se remuer, de bouger, de s’agiter dans un sens tel quel. On dirait d’un enfant, après de longues heures d’immobilité, qui s’étire et gesticule pour rétablir la circulation du sang dans ses veines. Après le