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LA BRUYÈRE.

ment se soustraire. Nul. mieux que La Bruyère, n’a su nous rendre l’air des gens, la physionomie des choses, et pénétrer vraiment dans le secret du lieu. Ses jugements ne sont jamais dictés par l’ignorance ni par la haine : aussi leur sévérité est-elle plus accablante que n’aurait été la plus cruelle des satires.

Si le chapitre où il a parlé de la Cour semble encore un peu moins ordonné que les autres, cette négligence n’est qu’apparente et recèle un art caché. Nous croyons ainsi voir revivre à nos yeux ce monde agité où fermentent tant d’intérêts divers, où se croisent tant de subtiles intrigues, où se profilent et circulent tant d’originaux variés. Tout le tableau tumultueux de cette burlesque et sauvage mêlée d’appétits, de vices et de ridicules tiendra entre deux phrases que l’auteur n’a pas inscrites pour rien à la première et à la dernière ligne de son chapitre.

Le reproche en un sens le plus honorable que l’on puisse faire à un homme, c’est de lui dire qu’il ne sait pas sa cour : il n’y a sorte de vertus qu’on ne rassemble en lui par ce seul mot.

Un esprit sain puise à la cour le goût de la solitude et de la retraite.

Donc la cour est un lieu de mensonge, et il faut la fuir. Tous les autres paragraphes du chapitre ne sont qu’une longue confirmation de Tune et de l’autre de ces propositions. Sachons gré pourtant à l’auteur, bien qu’il ne sut pas sa cour, d’être resté : car c’est à ce prix qu’il a pu si bien nous renseigner et nous avertir.

Comme toujours il a procédé par un habile mélange