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était tombé sur Béland et lui avait fracturé les deux jambes.

Béland n’était pas aimé dans le chantier.

Il parlait affreusement mal ; sacrait, jurait, du matin au soir. De plus, un de nos compagnons qui le connaissait bien, avait dit qu’il sortait du pénitencier ; tout avait mis les hommes contre lui.

Cependant la nouvelle de l’accident fit oublier les défauts du malheureux qui allait mourir.

Béland, qui avait été transporté dans le camp, ne reprit connaissance que le soir. Je me trouvais seul près de lui lorsqu’il ouvrit les yeux.

— C’est fini, mon pauvre Michel, je vais mourir, et dans quel état ? Grand Dieu !

— Il faut te recommander à Dieu, mon cher ami, lui dis-je en lui prenant la main. Il n’a jamais rejeté ceux qui ont recours à lui.

— Me recommander à Dieu ? c’est inutile. Si tu connaissais ma vie, tu ne parlerais pas d’espoir en sa miséricorde. Tu es un ami pour moi, avant de mourir je veux te raconter la vie que j’ai menée.

— Cela te fatiguerait, François, et ne te serait d’aucune utilité.

— Je veux avoir la conscience libre. Il me semble que, lorsque je t’aurai fait en quelque sorte, ma confession, je pourrai alors m’adresser à Dieu.

Dans ce temps-là, dit le père Michel, on n’avait