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LE DOCTEUR-NOIR

— Je n’avais pas cet honneur, fit Jean-Baptiste Flack avec un sang-froid imperturbable.

— Et aujourd’hui… vous êtes en retraite ?

— Parfaitement. Les temps ont changé et je suis le très humble domestique de monsieur votre frère que j’estime profondément.

— L’objet de votre estime est à Mazas, fit le président.

— Il y a bien des honnêtes gens qui y sont, répondit Jean-Baptiste Flack, et tous les coquins n’y sont pas !

Il regardait le magistrat en face.

Après une pause, il continua sur le même ton :

— Pour en revenir à ce que nous disions, j’ajouterai que je vous ai vu une seconde fois, place de la Roquette. On allait guillotiner un jeune homme qui a caché son nom jusqu’à la fin…

— Général des Carrières, je crois ? interrompit le président.

— Votre fils, monsieur.

M. Bartier fit quelques pas dans la pièce en jetant à la dérobée un regard de haine sur le domestique du Docteur-Noir. Il cherchait en lui-même le moyen de se venger de cet homme qui connaissait si bien ses secrets. Il ne pouvait utilement le faire arrêter. Rien ne lui venait à l’esprit.

Il revint vers Jean-Baptiste Flack et, sans prendre la peine de réfuter son accusation, il lui demanda simplement d’une voix brève :

— Que voulez-vous ?

— La liberté de mon maître.

Isidore Bartier réfléchit un instant ; puis il répondit comme se parlant à lui-même :

— Mon frère, Lucien, le Docteur-Noir, est sous le coup de présomptions extrêmement graves… Toutes les preuves sont contre lui… Le scandale du drame du Père-Lachaise rejaillit sur moi… Si ma réputation n’était point faite ; je devrais me retirer… Heureusement je suis à l’abri des calomnies et nous vivons à une époque où chacun ne supporte que la seule responsabilité de ses fautes… Je suis donc à l’abri… Mais le Docteur-Noir ne m’en a pas moins causé un grand préjudice…

— Où voulez-vous en venir ? interrompit Flack.

— À ceci : Mon rôle dans cette affaire est de rester neutre. Je ne dois pas essayer d’étouffer le procès, Je resterai en dehors de tout cela. Voilà mon dernier mot.

Puis se reprenant :

— Je ne peux pas le sauver, d’ailleurs.

— C’est vrai, mais vous pourriez au moins l’essayer.

— Non, c’est impossible. Il est inutile de prolonger cet entretien. Mon