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LES MYSTÈRES DU CRIME

— Oh ! les gredins ! ils vont me le tuer… les lâches !

— Voyons, il faut se faire une raison, la Sauvage !

Nous retrouvons ici nos anciennes connaissances de la bande de Saint-Ouen ; les bandits s’étaient réunis dans ce local, loué par le Nourrisseur, pour assister sans être remarqués à l’exécution de leur ancien chef.

Sacrais vint prendre la Sauvage par la main et l’emmena dans le fond de la pièce.

— Attendons l’autre, lui dit-il ; si son idée réussit, il verra Général et lui parlera de toi.

— C’est bien dangereux, fit la Sauvage.

— Dame oui ; mais, enfin, il sera habillé en calotin ; il aura une fausse barbe ; tout ça se trouve dans notre magasin, et du diable si on le soupçonnera de ne pas être un missionnaire pur-sang ! D’ailleurs, l’aumônier est bête, comme un chou, c’est connu.

— Tant mieux, alors.

La Sauvage essuya ses larmes.

Le temps s’écoulait.

Les autres bandits causaient ensemble à voix basse.

Quelques-un dormaient.

La Marmite, toujours en éveil, faisait le guet à la fenêtre.

— Voilà le chef, dit-il enfin.

Caudirol apparut bientôt. Il avait dépouillé le costume ecclésiastique qui lui avait permis de pénétrer auprès du condamné à mort.

Il était vêtu comme quelques heures auparavant.

— Eh bien ? lui demanda-t-on en l’entourant.

— Ça a-t-il réussi ? questionna anxieusement la Sauvage.

— Complètement ! le tour est joué… J’ai vu Général… il vous donne son dernier souvenir… et à toi, la Sauvage, son dernier baiser…

— Oh ! le pauvre… le pauvre ! gémit-elle.

— Pas de faiblesse ! continua Caudirol, il nous montre l’exemple. Il vous lègue sa vengeance. Son dernier cri a été : Mort aux vaches !

Ce cri, cette apostrophe des bas-fonds contre ceux qui arrêtent, jugent et emprisonnent, cette malédiction du crime trouva un sombre écho parmi les bandits…

— Mort aux vaches ! redirent-ils en chœur.

Il était près de cinq heures du matin.

C’était le moment de l’exécution.

— Mes amis, dit Caudirol avec autorité, nous aurons bientôt de la besogne. Le bourreau doit mourir. Titille, que vous connaissez tous sans doute, doit mourir aussi. Ils sont les auteurs de l’arrestation de Général : Dublair et Titille sont condamnés par votre ancien chef, c’est à nous de les exécuter.