Page:Morphy - Le vampire, 1886.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
258
LE DOCTEUR-NOIR

— Oh ! c’en est trop, fit le magistrat affolé, cherchant le cordon de la sonnette. Je vais vous faire saisir.

Jean-Baptiste Flack le rejeta sur un fauteuil.

— Écoutez-moi, dit-il d’une voix que la colère faisait vibrer. Vous avez violé une femme, votre belle-sœur, morte aujourd’hui. Vous avez tué, après un long supplice, votre malheureuse épouse. Votre fils aîné est mort sur l’échafaud. Ces trois morts crient vengeance.

— Valet de bourreau ! fit le président en grimaçant de rage.

Jean-Baptiste Flack releva l’outrage.

Il se dressa devant le juge, frémissant d’indignation.

— Valet de bourreau, oui ! Mais le moindre des valets de bourreau vaut mieux que le premier des magistrats ! L’homme qui porte la robe est immonde… Prêtres et juges, vous êtes tous des monstres…

Il saisit le président au collet.

— Et quant à vous, fit-il, vous êtes le plus infâme de tous… Savez-vous les dernières paroles de votre fils avant d’être décapité ? Moi, valet de bourreau, je les ai entendues… Il disait en vous accusant : « Que mon sang retombe sur lui et lui brûle les yeux. » Cette menace aura son effet. Prenez garde ! Deux hommes l’ont juré : votre frère… et moi !

Jean Baptiste Flack sortit sur cette apostrophe, sans que le président, cloué sur son siège, fit un mouvement pour l’en empêcher.

Quand il fut seul, Isidore Bartier parcourut le salon comme un fou. Il écumait. Dans sa fureur impuissante, il tournait sur lui-même, cherchant à donner une issue à sa rage.

Soudain, il se rappela qu’il avait meurtri de coups le pauvre Georges quelques instants auparavant… Il allait passer sa colère contre le malheureux.

— Il n’en a pas eu assez ! fit-il en saisissant un tison de fer.

Et il se précipita vers la chambre où il avait enfermé Georges.

Il ouvrit la porte et entra…

— Où te caches-tu, scélérat ? interrogea-t-il en levant sa baguette de fer.

Il furetait partout sans résultat.

Ses regards tombèrent sur la fenêtre entr’ouverte.

Il y courut.

— Oh ! il s’est sauvé encore une fois… Je le tuerai… J’en ai le droit… C’est mon fils… Henri, où es-tu ?

Ces derniers mots du magistrat s’adressaient à son domestique qui continuait sa faction sous la fenêtre.

— Je suis ici, en bas… Je garde M. Georges.

Isidore Bartier se pencha sur l’appui et jeta son tison dans la direction du valet.