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LE DOCTEUR-NOIR

— Tiens ! c’est curieux.

— Oui, M. Bartier est atteint d’une maladie des yeux. Il ne distingue guère que le jour de la nuit avec l’œil gauche. Quant à l’œil droit il est encore bon ; mais il se soigne, notre président.

— Que fait-il ?

— J’ai remarqué que, dans son cabinet, au Palais, il a un flacon d’eau blanche et un petit godet d’une forme spéciale. Il doit baigner l’œil qui lui reste en sortant de l’audience.

— Alors, il est borgne ?

— Oui… Et l’on dit que la justice est aveugle !

— Pas tout à fait… Il reste un œil…

— Qui est malade !

— Vous êtes méchant, mon cher confrère.

— C’est le métier qui veut ça.

— Chut ! voilà un particulier qui nous écoute. Il ne faut pas mettre le public dans le secret des Dieux.

Sur cette réflexion, ils se séparèrent.

Jean-Baptiste Flack avait écouté avec attention les plaisanteries des deux avocats.

— Ah ! il est déjà borgne, le scélérat, se dit-il ; c’est utile à savoir !

Et il regagna le bâtiment des chambres correctionnelles.

L’audience était ouverte.

Flack voulut pénétrer dans la salle, mais le garde municipal l’arrêta au passage.

— Êtes-vous assigné ?

— Ma foi non.

— On n’entre pas… Il n’y a plus de place.

Le compagnon du Docteur-Noir entra dans le couloir qui longe la neuvième chambre.

Il dépassa les salles d’attente des témoins et l’entrée des accusés détenus.

Devant lui se trouvait une porte vitrée à double battants.

Dans un bureau se tenait un huissier qui lisait son journal.

C’était là qu’il fallait s’adresser pour communiquer avec les magistrats.

Les cabinets des juges et de l’avocat général devaient être libres, le tribunal étant en séance.

— Sans ce diable de bureaucrate, tout irait bien, murmura Jean-Baptiste Flack.

Comme s’il avait entendu cette réflexion et qu’il voulût complaire au domestique, l’huissier se leva lentement.

Flack s’empressa de battre en retraite…