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Page:Morphy - Le vampire, 1886.djvu/386

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LE DOCTEUR-NOIR

Un deuxième coup de sonnette retentit.

La femme de chambre se dérangea de nouveau et revint bientôt, précédant le singulier visiteur de la veille, La Marmite.

Il s’excusa gauchement de sa visite.

— Voilà, dit-il, je vais peut-être vous faire l’effet d’une andouille ou d’un fieffé menteur, mais j’ai voulu veiller un peu sur vous, histoire de vous tirer d’affaires si les camarades vous relançaient.

Jean-Baptiste Flack haussa les épaules avec impatience.

— Pardon, excuse, continua La Marmite, vous pouvez croire ce que vous voudrez… Ça n’empêche que je ne voudrais pas qu’il arrive malheur à la petite demoiselle. Eh bien, j’ai monté la garde devant chez vous. Une bonne femme que je connais pour une garce finie vient de vous vendre des fruits. Prenez garde ! elle n’est pas plus marchande que vous et moi. Méfiez-vous… C’est la Mécharde.

Lydia frissonna en entendant ce nom.

Elle se cacha la tête dans ses mains et une peur immense la prit.

— Oh ! fit-elle, laissez-moi partir. On va me reprendre et on vous tuera. Je ne veux pas être cause de votre malheur.

— Ah ! ça, est-ce sérieux ? s’exclama Georges Bartier, dont l’imagination bouillante entrait en travail.

Jean-Baptiste Flack se leva et coupa les fruits par tranches.

Ils noircirent aussitôt.

— C’est exact, dit-il. Tout est empoisonné. Il faut jeter cela tout de suite et prendre plus de précautions à l’avenir. Non seulement le malheur nous menace dans nos affections, mais encore nous sommes environnés d’ennemis.

Et se retournant vers La Marmite il lui prit la main.

— Sais-tu que tu es un brave garçon ? dit-il en regardant le gamin bien en face.

— Moi ? mais je l’ai dit à la demoiselle : je ne vaux pas quatre sous.

La Marmite avait revêtu le costume qu’on lui avait donné la veille.

Il avait une toute autre tournure.

Ce n’était plus le cynique voyou que nous avons vu dans la bande de Saint-Ouen. Son enthousiasme momentané pour le crime était passé.

Dans cette nature gaie et licencieuse, il y avait les germes de bons sentiments.

il se serait sacrifié pour les hôtes de la maison de Noisy comme auparavant pour la Sauvage et Caudirol.

En somme, comme il le disait lui-même, c’était un « gobeur »…

Ces tempéraments dévoués à l’excès et tout d’une pièce sont moins rares qu’on ne pense parmi les malfaiteurs.