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LE VAMPIRE

Il entra dans l’un d’eux.

— Êtes-vous sûre de ce que vous avancez là ? s’écria M. Véninger, lorsqu’il eût entendu ce récit.

— Aussi sûre qu’on peut l’être. Je l’ai vu disparaître dans l’entrée de l’hôtel Peignotte, affirma la fille.

— C’est là sans doute qu’il demeure, pensa le commissaire. Mais comment expliquer la découverte du cadavre de la rue Saint-Louis-en-l’Île ?… Bah ! c’est un nouveau crime de ce misérable…

La prostituée reprit :

— J’ai lu dans les journaux l’affaire de l’autre nuit, et, pour moi, c’est Caudirol que j’ai accosté… Oh ! Jésus ! j’en ai la chair de poule rien que d’y penser.

M. Véninger n’avait plus rien à apprendre.

Il se demanda un instant si ce récit n’était pas une fiction.

Cela lui parut peu probable.

Séance tenante, il rédigea un rapport adressé au parquet, dans lequel il revenait sur le dossier de Boulanger. Cette nouvelle pièce ne laissait plus subsister les délits de coups et blessures ni d’outrages aux agents.

— Votre amant sera remis en liberté ce soir même. Je déclare que mon premier rapport était erroné. En taisant cela je m’engage beaucoup.

— Oh ! monsieur, je vous remercie mille fois. Si vous saviez… Il n’est pas méchant, ce pauvre Émile… Et je l’aime…

Le commissaire n’ignorait pas l’attachement absolu et stupide des filles pour les immondes drôles qui les exploitent et les rouent de coups.

Cette démonstration passionnée ne l’étonna pas.

Il avait pris le nom et l’adresse de la malheureuse : Rose Cadette, rue de Lourcine. Il allait la congédier.

Tout à coup il se ravisa :

— Je vais vous garder ici jusqu’à ce que nous ayons contrôlé l’exactitude de vos déclarations.

— Je veux bien, monsieur.

— C’est bien… Allez-vous en !

M. Véninger n’avait voulu qu’éprouver la fille. Elle n’avait pas manifesté le moindre trouble. Nul doute qu’elle n’eût dit la vérité.

Il la laissa partir.

Le commissaire jeta les yeux sur son courrier. Une lettre dont la suscription était finement tracée attira son attention.

— Tiens ! une missive de cette chère Caroline.