assis. Il fit le tour du bal, sans affectation, et vint reprendre sa place au milieu d’eux.
Ils étaient au complet. Pendant une minute ils se regardèrent silencieusement.
Enfin, Sacrais se décida à reprendre la conversation.
— Voyons, dit-il, il faut nous expliquer. Grâce à moi, vous avez échappé à la rousse[1] tandis que Général, s’est fait poisser[2] dans l’affaire de la rue Rambuteau. Nos amis Gros-Veau des Écoles et Petit-Père de la Villette sont aussi au bloc[3].
Il y eut un silence.
— Le môme Émile est au Dépôt.
— C’est vrai, répondirent sourdement les bandits. Ils sont coffrés.
— Eh bien ! continua Sacrais, nous ne sommes pas perdus malgré ça. Vous voici réunis, comme au temps où Général commandait la bande : Tintin de la Courtille, La Louise, l’Asticot de Bercy, La Guiche, Bambouli, Zim-Zim de la Glacière, La Puce et Tord-la-Gueule[4]… Parbleu ! voilà une vraie collection de pègres à la redresse[5], Paris tremblera encore longtemps si nous restons unis…
— Y a pas de raison pour se séparer, fit une sorte d’Hercule qui répondait au nom de Tord-la-Gueule…
— Jamais de la vie, opina à son tour La Guiche.
— Mais non, pas du tout, dit un jeune éphèbe dont le surnom de La Louise indiquait assez les passions corrompues.
— Silence, le troisième sexe ! dit Zim-Zim de la Glacière, en riant plaisamment.
— C’est bien, reprit Sacrais, nous sommes d’accord. La bande a perdu des hommes. On les remplacera. Maintenant vous savez que Général des Carrières qui est à la Grande-Roquette et le Nourrisseur, qui évite de se montrer parmi nous, formaient avec moi… comment dirai-je ?… l’état-major de la bande.
— Et un bath[6] encore, approuva Bambouli. Continue de jaspiner[7], mon vieux Sacrais ; on t’écoute.
— Général était le chef, n’est-ce pas ?… Le Nourrisseur, lui, cherchait les affaires et nous les indiquait moyennant finance, sans mettre la main à la pâte…
— C’est pas un homme[8], c’est une pestaille[9], interrompit La Puce, en posant violemment son verre sur la table.
Sacrais regarda autour de lui. Le bal croulait sous le vacarme forcené des danseurs…