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LE VAMPIRE

— Un crime ?… ! non ! répondit Sacrais… Mieux que ça ! Entendez bien ceci : je connais votre histoire et celle de vos ascendants. Votre père est devenu fou et on ne sait ce qu’il est devenu. Tous vos autres parents sont morts.

— C’est exact, approuva Caudirol.

— Vous savez cela, mais vous ignorez le principal, mon cher… Renaud. Votre grand-père était un contrebandier qui viola la duchesse de Lormières… dont vous êtes le petit-fils.

— Quelle fable ! exclama le défroqué.

— Non pas, affirma Sacrais, c’est la pure vérité. Quel mobile me pousserait à mentir ?

Caudirol ne répliqua pas et écouta son interlocuteur qui poursuivit :

— Voulez-vous vivre à Paris impunément, au grand jour, portant un nom illustre qui ne vous sera pas contesté, riche à millions ?

— Je ne vous cacherai pas que votre offre me séduirait assez, dit Caudirol sur un ton de persiflage.

— Vous ne me croyez pas ! s’écria Sacrais avec dépit, moi, qui me suis enfui de Nantes, après avoir emporté les papiers de votre famille et ceux de la famille de Lormières, moi qui sais tout et qui peux tout pour votre salut et votre fortune !

Caudirol redevint attentif.

— Soit, dit-il, je vous crois, et je commence à voir qu’il y aurait quelque chose à faire avec vos paperasses. Mais les millions ?

— Nous les aurons, déclara Sacrais avec énergie, oui nous les aurons avant peu si vous voulez m’aider, si même vous vous laissez faire.

— En somme, que me proposez-vous ? questionna Caudirol.

— D’être duc de Lormières !

Et l’ancien clerc, sûr de l’effet de sa phrase, regarda fixement Caudirol.

Celui-ci se rapprocha davantage de Sacrais.

Ils continuèrent de s’entretenir à voix basse, tandis que la Sauvage et les bandits étaient occupés de leur côté.

Il venait d’être décidé que tous les hommes de la bande à Général assisteraient à l’exécution de leur ancien chef.

On adopterait ensuite une ligne de conduite avant de se séparer.

La Sauvage prit la parole.

— À la place de la Roquette, mes amis ! Oui, ça nous donnera du cœur au ventre. Allons voir la crevaison de Général. C’était un homme !

Elle continua avec une sombre véhémence :

— Je savais bien qu’ils ne le grâcieraient pas, les vaches ! Mais c’est égal, quand j’ai su tout à l’heure, par le Nourrisseur, qui m’a rencontré avenue de Saint-Ouen, que c’était pour cette nuit… Ah ! ça m’a remuée tout de même… Nous te vengerons, n’est-ce pas ?