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Les gens, qui viendraient à leurs noces, leur feraient des cadeaux et cela les aiderait à monter leur ménage.

Pierre travaillerait encore, pendant quelques années, de son métier de pêcheur, jusqu’au moment où le garde forestier prendrait sa retraite. Alors on s’arrangerait pour faire nommer Pierre à sa place.

Elle parlait ainsi, avec toutes sortes de mines sérieuses, ayant mûri ces projets dans sa tête. Et c’était infiniment touchant, cette affection de jeune fille naïve qui, pour prouver qu’elle aimait, s’ingéniait simplement à préparer le bonheur matériel de celui qu’elle aimait, obéissant à cet instinct de maternité, qui sommeille au cœur de toutes les femmes.

Pierre lui prenait la main et il la gardait emprisonnée. Le plus souvent, il ne trouvait pas grand’chose à lui répondre, toujours plus étonné de rencontrer autant de jugement dans une si petite tête. Et il se contentait de rire, d’un rire confiant, ravi au fond, car il comprenait que son bonheur serait en bonnes mains.

D’autres fois il s’embrouillait dans ces petits détails de ménage, mettant à vouloir les comprendre une patience si têtue, une gaucherie si comique, que Marthe à son tour riait aux éclats, amusée.

Ils étaient si heureux que toutes les choses immuables qui prennent dans la nuit des attitudes de menace et d’épouvante, avaient l’air de s’attendrir. Le vent qui passait retenait son haleine, et agitait faiblement les feuilles de la treille, comme pour faire du silence autour de leur causerie d’amour. Autour d’eux, il n’y avait plus rien que ce large silence, un silence religieux, solennel, qui montait jusqu’aux astres, un silence où les êtres et les choses paraissaient anéantis.