Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait de la lumière, et j’ai entendu du bruit. J’étais si sotte que j’ai cru que vous étiez revenus, et ça m’a donné un coup. J’ai dû m’asseoir sur le bord du chemin, puis le vieux Guillaume est venu, il m’a parlé de toi et ça m’a un peu consolée.

« Et puis, j’ai voulu aller dans les chènevières, comme nous faisions, quand tu étais là. Il faisait si bon et l’air était si doux que je n’ai pas pu rester, parce que tout me paraissait trop triste.

« C’est pour te dire aussi qu’on va faire une vente chez les Mathieu, des pauvres vignerons qui n’ont pas eu de réussite dans leurs affaires. Il paraît qu’on enlèvera tout, jusqu’à la cendre de la cheminée. Maman Catherine dit qu’on pourrait bien y aller faire un tour, pour voir si quelque chose ne serait pas à notre convenance. Mais le mobilier de ces vieilles gens était comme eux, tout cassé et démantibulé, et je voudrais aussi que tout ce qui nous servira, dans les premiers temps, soit neuf et bien à nous. Maman prétend que c’est une drôle d’idée, mais j’y tiens. Pourtant on dit comme ça, qu’ils ont une belle pendule, qui leur vient d’une succession. Elle ferait bien sur la cheminée de notre belle chambre.

« Je m’arrête, car je veux mettre ma lettre à la poste pour qu’elle t’arrive tout de suite. Je glisse dans l’enveloppe deux brins du pot de réséda, qui est sur ma fenêtre, pour que tu penses à moi, en sentant leur bonne odeur.

« Quoique j’aie le cœur gros par moments, je finis toujours par me faire une raison. Adieu, Pierre, je t’embrasse comme je t’aime,

« Marthe Thiriet. »