Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/229

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ne sortait plus de la grisaille informe, où s’effaçait lentement tout ce passé d’amour. D’autres fois, de menus détails lui revenaient, des riens si vivants et si précis qu’ils lui donnaient l’illusion de la voir là, toute proche, à côté de lui. Il se rappelait le son de sa voix, et l’air sérieux qu’elle prenait tout à coup, au cours de leurs entretiens, levant le doigt pour lui expliquer quelque chose.

Un soir, comme il revenait d’une fatigante journée de pêche, la patronne lui remit une lettre. Pour la lire à son aise, il sortit dans l’étroite courette, donnant sur les jardins. Un peu de jour mourant jetait sur le papier une clarté pâle.

Voici ce que Marthe lui écrivait :

« Mon cher Pierre,

« C’est pour te donner de nos nouvelles, et te dire que nous sommes en bonne santé. Mes parents te font bien leurs honnêtetés. Mon père, si vieux et tout cassé, se plaint de la grande fatigue, rapport à ses tournées dans les bois. Il n’est que temps qu’il prenne sa retraite, et que ça finisse. C’est pour te dire aussi que je pense tout le temps à toi ; mais il ne faut pas s’écouter, sans quoi je pleurerais toute la sainte journée, comme une Madeleine. Je travaille en compagnie de la vieille Marie-Anne, assise sur le banc à l’ombre. Tu verras, mon cher Pierre, toutes les belles affaires que je prépare, des tabliers, des mouchoirs de poche, tout un beau trousseau de mariage. Je me dépêche de faire mes points, sans penser à autre chose, et comme ça, la journée se passe.

« L’autre soir, je passais devant votre maison ; il y