Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

soleil, des odeurs montaient, exacerbées par la chaleur ; des chênes abattus, saignant par leurs blessures, exhalaient le parfum amer du tan ; il s’y mêlait la senteur pénétrante des pins, suant leur résine, et cette odeur indéfinissable des bois morts qui pourrissent.

Une vibration d’air chaud montait, où les arbres flottaient, où se déformaient curieusement les objets lointains. Sur l’accablement du soleil planait un murmure confus, un chant immense de bestioles bourdonnantes, pareil à la voix de la forêt, et parfois des coups de vent, venus de l’horizon, balayant toute l’étendue, faisaient sortir de la profondeur des bois un soupir confus, une plainte ardente et prolongée.

Il faisait bon marcher sous le couvert des grands arbres.

Pompées par le soleil, les brumes bleues se dissipèrent : tout au fond des combes feuillues, il n’y eut plus que le moutonnement sans fin des grands arbres, sous la monotonie de la lumière.

Le garde emmena sa fille au bord de la Deuille : on serait mieux là pour casser une croûte, à l’heure brûlante. Au fond d’un trou raviné, obstrué de ronces et d’orties, sous de grands saules jetant en travers de la pente leurs branches à demi mortes, la source se creuse sur un lit de gravier. Froide à l’œil, elle brille comme du vif-argent et les cailloux du fond ont l’air d’être enchâssés dans un métal. Source mystérieuse et qu’on dit hantée, jamais elle ne tarit : elle ne gèle pas non plus, même par les plus grands froids. Par les soirs de décembre, les bûcherons voient monter à sa surface des fumées qui ressemblent à des formes