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Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/146

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plus heureux que lorsqu’il se sentait parti, bien en verve et qu’on admirait tout autour de lui sa large carrure, sa prestance, sa voix sonore, quand c’était son tour de chanter la sienne. Sans qu’il eût besoin de boire beaucoup, il se grisait insensiblement de bruit et de vacarme.

Quand il y avait une fête dans les environs, voilà qu’il y restait deux et trois jours, parti en bombance, scandalisant les gens sérieux par ses allures de chapardeur. C’était un sujet de conversation pour les femmes qui se rencontraient, les vendredis, au marché de la petite ville. Agenouillées sous les riflards de cotonnade bleue, larges comme des tentes, elles échangeaient des réflexions, parmi les mannes d’osier emplies de fromages, et les cages à claire-voie où grouillaient des volailles… et les commentaires désobligeants allaient leur train :

— Vraiment, le vieux Dominique n’avait pas de chance avec son garçon.

Là-bas, dans les côtes, à la fête de Mont-le-Vignoble, on l’avait vu traînailler pendant une semaine, alors que tout le monde était reparti au travail des champs. Il passait les après-midi, en compagnie de carrieurs et de tireurs de sable, qui fêtaient le saint lundi tous les jours. Tout ce monde jouait aux quilles, s’empilait aux tables d’auberge, s’enivrait en de fastueuses ribotes. Il couchait tantôt chez l’un et tantôt chez l’autre, parfois même dans des greniers à foin, d’où il sortait au matin, les vêtements salis de toiles d’araignée.

Très fier d’ailleurs au milieu de cette débauche, et s’enfermant au plus profond de l’ivresse dans de longs silences. Alors tout le monde devinait qu’il avait ses