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marronniers de la petite place, se perdant dans la tourmente. Ayant allumé un maigre lumignon, elle se remit à son ouvrage, s’interrompant par moments pour jeter dans la nuit un regard angoissé.

Le garde arriva près de la maison de Dominique. Un rais de lumière filtrant par la persienne mal close l’avertit que le vieux pêcheur n’était pas couché. S’approchant à pas muets, il colla son œil aux fentes du bois et regarda.

Le vieux rêvait, assis au coin de l’âtre. Les mains croisées sur les genoux, son regard se perdait dans le vide : ses traits avaient une expression de songerie, de gravité pensive. Il était là, tout seul, en tête à tête avec ses souvenirs, dans la grande maison que le vent emplissait de sa complainte.

« Pauvre bougre, se dit le garde. Il n’a pas l’air de s’amuser comme ça, tout seul. » Une telle compassion l’envahit, qu’il en oubliait sa misère.

Il poussa la porte.

Au bruit qu’il fit en entrant, Dominique tressaillit. Il leva la tête avec lenteur, ayant l’air de sortir d’un rêve.

— Qu’est-ce qui t’amène à cette heure, par un temps pareil ?

Le garde avait pris une chaise, et, s’adossant au manteau de la cheminée, il dévisageait le vieux pêcheur, ne sachant trop par quel bout commencer l’entretien.

Enfin, il dit, prononçant ces paroles une à une, avec une sorte de gêne.

— Dominique… ma fille… Elle est bien mal. Voilà que le médecin n’en répond plus.

Dominique sursauta :