Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/206

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aient pu s’en rendre compte, mettait autour d’eux une atmosphère d’amour, et ils se serraient l’un contre l’autre, dans un besoin irraisonné de se prendre et de s’étreindre.

Ils restaient là tous deux, sur ce banc, tandis que les heures, tombant du clocher, retournaient au néant, s’envolaient dans la nuit, et rien ne leur disait que jamais ils ne seraient plus heureux, et qu’il fallait se hâter de profiter des heures sans retour, des heures de jeunesse, les seules qui consolent de vivre.

Sous la palpitation de la treille, leurs formes se dessinaient vaguement ; le bonnet de Marthe mettait une tache blanche dans la nuit.

Pas d’autre bruit qu’un souffle de bête repue au fond d’une étable, parmi la paille des crèches fraîchement garnies. Le silence était si profond qu’on croyait surprendre, dans les souffles du vent, la respiration des pauvres gens, lassés par la besogne des jours, par le travail persévérant et vain, par qui leur misère est sans cesse renouvelée.

Quand les caresses de Pierre se faisaient brutales, quand une flamme passait dans ses yeux, Marthe lui prenait les mains en personne sérieuse, qui sait se conduire et n’hésite pas à l’occasion :

— Pierre, lui disait-elle, si vous n’êtes pas raisonnable, je vais rentrer et vous resterez tout seul.

Il obéissait docilement, pris d’une sorte d’admiration devant cette petite femme, maigriotte et toute mince, s’étonnant de trouver en elle une telle force de volonté. Il se laissait conduire, heureux au fond d’être maté par elle.

Sans doute, ils ne trouvaient pas pour se dire leurs