Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/213

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une nouvelle campagne dans le Madon, un affluent de la Moselle, qui coule à une trentaine de kilomètres en amont.

Pierre aurait bien remis ce départ, mais la chose n’était guère possible, à cause du lot qu’ils avaient affermé. — L’ablette devait être abondante dans ces parages, d’après ce qu’on leur racontait tous les jours. Ces ruisseaux qui s’enfoncent dans l’intérieur des terres, n’étant pas troublés par la navigation, offrent à la reproduction du poisson des endroits favorables. Le frai se conserve mieux et prospère, parmi les paquets d’herbe et les racines chevelues des saules.

Marthe était toute bouleversée par ce départ. Pourtant elle cherchait à se consoler avec des raisons qu’elle inventait, et qui ne la rassuraient qu’à demi : quelques semaines étaient bientôt passées, et Pierre ne serait pas sans revenir au moins quelques dimanches.

Lui aussi, lui représentait toutes ces choses, quand il l’entendait soupirer et se plaindre, et dans sa bouche, prononcées par sa voix, la douceur en paraissait plus consolante.

Accompagnés du vieux garde et de sa femme, ils allèrent à la ville acheter les habits de mariage. Pierre, qui d’ordinaire ne s’occupait guère de ces détails, tâtait les étoffes, les froissait dans ses mains d’un air soupçonneux, ne trouvant rien d’assez beau pour sa promise. On fit choix d’une étoffe de soie, couleur gorge de pigeon, à reflets mauves et bleus, qui bruissait doucement et coulait dans leurs doigts, comme une eau changeante. Le marchand en vantait la solidité ; ça durait toute la vie, une robe confectionnée avec cette étoffe ! Marthe, suivant un usage du pays, acheta de son