Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/221

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mettaient autour d’eux une rumeur de vie confuse. Des usines, avant de s’endormir, laissaient fuser leur vapeur avec un long sifflement triste…

Ils longèrent les forges. Des laminoirs sortaient des barres de fer rouge qui s’allongeaient et se tordaient sur le sol, comme des serpents de feu. Les hauts-fourneaux déversaient leur coulée de métal en fusion, dont l’éclat brûlait les yeux, sous un crépitement d’étincelles.

La nuit était tout à fait venue, quand ils arrivèrent à l’auberge de l’Ancre de Marine, où ils faisaient séjour chaque année.

C’était une vieille maison, bâtie en planches et en briques, au confluent de la Moselle et du Madon, tout près des grèves blanches, animée tout le jour de la vie que charriait le fleuve. Des mariniers entrant en coup de vent lampaient un verre d’eau-de-vie, tandis qu’on éclusait leur bateau ; des conducteurs d’attelage, le fouet sur le cou, mangeaient un morceau à la hâte et leurs chevaux s’ébrouaient, secouant leurs colliers garnis de grelots.

L’hôtesse leur fit bon accueil. Elle avait plaisir à les revoir chaque année, maintenant qu’elle se faisait vieille. La face rougeaude, toujours allumée par la chaleur des fourneaux, elle posait ses mains sur ses hanches avec un air de maîtresse femme, et son ventre proéminent avait toute l’importance d’une chose respectable, pareil à la façade d’une maison cossue.

Essuyant du coin de son tablier un bout de la table encombrée de vaisselle, elle leur servit à boire elle-même, par une sorte de considération, et la fraîcheur du petit vin blanc de la côte parut douce à leurs lèvres.