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joue, couverte d’un léger duvet caressé d’une lumière molle, sa taille pliante et ronde, sa poitrine d’une maturité savoureuse, les coins de ses lèvres finement ombrées, tout était en elle séduction, éveil de sensualité.

Elle se tenait ainsi, provocante et souple. Un nœud de ruban rouge, attaché aux lourdes torsades de ses cheveux noirs, rehaussait de son éclat chaud toute leur splendeur vivante. Les pointes aiguës de ses jeunes seins griffaient l’étoffe mince de son corsage.

Quand Pierre passa auprès d’elle, elle ouvrit ses larges yeux, pailletés d’or, avec la lenteur voluptueuse d’un chat qui se réveille, un sourire indéfinissable flottant sur ses lèvres rouges.

La barque descendait le courant : elle était toujours à la même place, penchant sa tête brune à l’arrière du bateau, immobile dans sa pose de bête aux aguets.

Au même moment une barque rejoignit celle de Pierre. Montée par deux tireurs de sable, elle était si chargée que le bordage plat rasait l’eau. Les reins ceints de flanelle rouge, ils la dirigeaient au milieu des remous, avec une lourde gaffe en croc qu’ils plongeaient alternativement à droite et à gauche, solidement plantés sur leurs jambes écartées.

L’un d’eux dit si haut, que Pierre l’entendit :

— As-tu vu la belle jeunesse ? elle a des yeux, qu’on allumerait sa pipe après, pour sûr.

Et l’autre répondit :

— J’ voudrais bien que les puces de mon lit soient faites comme ça.

Pierre se fit cette réflexion, qu’ils n’étaient pas difficiles.