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cruche de faïence bleue à la main, allant tirer au tonneau le vin des récoltes fameuses. Un reste de jour bleuâtre traînait dans la rue, et l’on n’entendait plus rien, rien que la nappe de la fontaine, dont le ruissellement se tordait au vent du soir. Le marronnier géant de l’église était fleuri de girandoles pâles.

Lassés tous deux d’avoir tant dansé ce jour-là, ils étaient venus respirer la fraîcheur dans le petit jardin attenant à l’auberge. Les bruits du bal parvenaient jusqu’à eux, mais lointains, fondus, étouffés par l’épaisseur des murs. On distinguait le ronflement sonore de la basse, s’essoufflant à suivre le nasillement de la clarinette. Un calme immense tombait sur le jardin, sur les bouquets d’arbres, sur la côte de vigne : et dans l’air planait par moment une vague tiédeur, un souffle alanguissant de tendresse.

Pierre était venu l’inviter à la danse plus souvent que de coutume. Les commères faisant tapisserie, alignées sur des bancs, devaient en causer pour sûr. Elle n’y pensait pas, dans son ravissement.

S’étant assis sur un banc, ils causaient tous deux gentiment, en vrais amoureux de village. Des paysans jouaient aux quilles avec des clameurs, des contestations, des disputes à chaque coup douteux. On entendait la boule sonnant contre les quilles cerclées de fer, quand elle arrivait au but.

Sur leurs têtes pendaient des grappes de lilas, du « mirguet », comme on dit là-bas. L’odeur forte des corolles épanouies se mêlait aux senteurs venues des jardins.

Marthe fit un gros bouquet de lilas qu’elle attacha à sa ceinture. Prenant une branche, elle la passa à la