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Agenouillée dans la caisse de bois blanc qui lui montait jusqu’au ventre, elle se penchait sur le courant pour y plonger son linge. Alors les lignes de son corps se révélaient, onduleuses et souples, avec un tel frémissement voluptueux, que Pierre ne pouvait détacher ses yeux de cette contemplation. Le soleil, tombant d’aplomb, mordait sa nuque savoureuse, caressait ses frisons duvetés d’un reflet soyeux de lumière.

Pierre lui mit les mains sur les yeux par un jeu d’enfant et lui demanda :

— Devinez qui c’est ?

Ayant reconnu sa voix, elle dit :

— Pierre le pêcheur.

Et tous deux se regardèrent, avec un doux sourire.

— Allons, vous me faites perdre mon temps.

Pan, pan ! le battoir retombait sur le linge mouillé, le martelant avec un bruit mou, et la cadence des battements était si alerte, qu’elle semblait rythmer la joie qu’ils avaient de se revoir.

De légers échos s’éveillant le long des rives, parmi les roseaux vibrants et les racines noueuses des vieux saules, s’en allaient au fil de l’eau avec des paquets d’herbe. De temps à autre une grosse chiffe, attirée par l’eau savonneuse, rasant de son ventre le gravier plat, montrait hors de la nappe sa nageoire d’un rouge vif.

Pierre s’était assis sur un banc de laveuse, à l’entrée de la prairie. Ramassant de petits cailloux à ses pieds, il les jetait dans l’eau auprès de Thérèse, qui poussait un petit cri d’enfant, craintif et amusé. C’était un jeu tendre, qui avait entre eux toute l’importance d’un manège d’amour.