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roches, tout vibrants du grincement des scieries, et l’on dansait dans l’ombre fraîche, qui tombait des bois de sapins, vers les soirs.

Elle lui parlait aussi de son pays à elle, dans le Nord, du côté des Flandres.

Elle y revenait si souvent, qu’il croyait voir les gras herbages, clos de palissades, au bord de la mer, où les vaches viennent ruminer à l’heure chaude, dans l’ombre ramassée d’un orme gigantesque. Les moulins à vent, sur les ondulations de la dune, tournaient sans trêve sous les souffles du large, et la plaine, couverte de champs de blés et de betteraves, déroulait au loin son ampleur monotone. Par places aussi s’ouvraient des canaux où l’eau semblait dormir, comme écrasée par le reflet des feuillages.

Elle lui parla aussi des soirs de ducasse et du petit port, où relâchaient les vaisseaux venus de tous les coins de la terre, du Brésil et de la Norvège. La grêle futaie des mâts, sans cesse balancés par des houles, rayait le ciel ; les beauprés se penchaient vers le large pour cueillir les souffles errants, et les grandes voiles brunes claquaient. Bras dessus, bras dessous, des marins, qui avaient trop bu, entraient en coup de vent dans les auberges du quai. Ils en ressortaient avec des mouvements de roulis dans les jambes. Sur les dalles ruisselantes, des Anglais dansaient la gigue, tandis que des Allemands chantaient des chœurs à quatre voix, accompagnés des sons d’un accordéon plaintif.

Elle lui ménagea une surprise.

Un soir qu’il était venu la retrouver dans le chaland endormi, la porte de la cabine s’ouvrit, laissant passage à une apparition.