Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/273

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d’un air gêné sous la table, comme pour chercher quelque chose.

On les interrogea sur leur vie.

Alors ils se mirent à raconter des histoires lugubres, étranges et tristes, des soirs de garde par les nuits pluvieuses d’automne, au coin des redoutes isolées, dans la houlée furieuse des vents et le son de la pluie criblant les feuilles mortes. C’étaient des récits de sentinelles surprises, qu’on retrouvait le lendemain, écroulées dans leurs guérites, avec un couteau fiché entre les omoplates, et des espions qui rôdaient, insaisissables, vêtus comme des travailleurs des champs et des marchands de cochons, et si bien déguisés, que tout le monde s’y laissait prendre.

Le soir tombait. Une ombre froide flotta dans la cantine, tandis que le chantonnement des eaux souterraines parut grandir. Il fallut se séparer.

Les quatre Flamands accompagnèrent les jeunes gens jusqu’à l’avancée du fort, et de loin faisant à Thérèse un signe d’adieu, ils la regardaient tristement s’éloigner, comme si elle emportait avec elle quelque chose de doux et de fort, qu’elle avait dans les plis de sa robe, dans ses gestes et dans son langage, un peu du cher pays natal, où les moulins à vent tournent sur le sommet des dunes arrondies.

La Reine des eaux devait partir dans trois jours.

Pierre avait tergiversé jusqu’à ce moment, n’osant faire part à son père de ses projets. Depuis qu’il savait qu’il allait le quitter, Dominique lui apparaissait plus