Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/281

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Elle fuyait comme une bête qui se sent frappée à mort, au hasard des chemins pierreux, et parfois, toute égarée, prenait des raccourcis dans les friches et les landes incultes. Elle ne sentait pas la morsure des ronces qui faisaient saigner sa chair et, quand elle mettait le pied au creux des sillons, elle trébuchait et chancelait, comme une personne ivre. Alors elle portait la main à ses tempes et, jetant autour d’elle un regard de dément, elle répétait machinalement : Que faire ? mon Dieu ! que faire ?

Un coin, elle cherchait un coin d’ombre, pour se blottir dans les feuilles sèches et y mourir longuement.

Des paysans qui passaient dans un sentier, et s’apprêtaient à lui dire le bonjour habituel, s’arrêtèrent interdits, à l’aspect de son visage convulsé, de sa face morte et douloureuse. Et ils tournèrent la tête, la suivant curieusement des yeux, se demandant ce qui lui était arrivé.

Quelque chose se tordait au fond de ses entrailles, et il lui semblait que si elle avait pu pleurer, cela du moins l’aurait soulagée ; mais ses yeux restaient secs, brûlants de larmes qui ne s’épanchaient pas. Aucune jalousie du reste, ni révolte, ni mouvement de haine. Rien que le vaste sentiment de la douleur qui, envahissant tout son être, se confondait avec lui.

Des flammes fulgurantes passaient devant ses yeux, et il lui semblait que tout allait finir, que le monde, les arbres, l’astre clair allaient s’abîmer, eux aussi, dans la catastrophe, où son misérable bonheur avait sombré.

Elle tomba, elle s’écroula plutôt au creux d’un sillon, sous un fourré d’aubépines ; alors elle resta là, les mains sur les yeux, pour ne plus rien voir, la face abîmée