Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/291

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s’était passé, comme s’il n’y avait pas, dans la maison, un vide que rien ne pourrait combler !

On allait l’enterrer ! Était-ce possible ? et il se rappelait très bien le son du marteau clouant la grande boîte blanche, dans les maisons où la mort était entrée. On la porterait au cimetière, et il croyait entendre le bruit des mottes de terre, roulant sur les planches sonores, ce bruit qui fait tant de mal à ceux qui restent. Les dimanches, sa femme et lui iraient s’agenouiller sur la tombe, et il y voyait très bien la chose : deux vieux tout blancs et tout cassés auprès d’une pierre neuve. Et c’était cela, la vie.

Comme l’existence devait être triste pour ceux qui survivaient ! Voilà qu’un souvenir se levait en lui. Quand son père était mort, il y avait de cela bien longtemps, sa mère lui prenait la main, par les nuits pluvieuses d’automne, et elle lui disait : « Mon Dieu, comme il pleut sur ton pauvre père ! » Il aurait encore ce frisson d’angoisse, en pensant au cimetière mouillé par l’averse, tandis que les gouttières des toits versent dans la rue des trombes clapotantes, et que la houlée des vents se déchaîne, furieuse. Alors les morts ont froid sous leur couverture de terre humide, et les pluies qui s’infiltrent vont glacer leurs ossements, et ils ont froid aussi sous la neige ; mais par les soirs d’été, pleins de clartés et d’odeurs, alors que le mirage de la vie, éternel et toujours nouveau, alanguit tous les êtres, rien de ce charme trompeur ne pénètre jusqu’aux morts.

Où était-elle maintenant ? Auprès de Dieu, comme disaient les prêtres, puisqu’elle n’avait jamais manqué à ses parents et qu’elle n’avait commis aucun péché. Là elle intercéderait pour lui, et ils se retrouveraient