Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/300

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faute suprême qu’elle avait commise, et dont il semblait porter tout le poids.

Les hymnes grandioses, le sanglotement désespéré du Dies iræ, dont la magnificence liturgique plane très haut au-dessus de l’écroulement des misères humaines, comme un appel toujours retentissant vers les puissances miséricordieuses, vers les espérances éternelles, vers l’inaccessible certitude de l’immortalité, toute cette poésie de l’office des morts, somptueuse et théâtrale, quand elle est soutenue par les chants nombreux d’une maîtrise et par le déchaînement de l’orgue aux grandes voix, prenait en passant sur ces lèvres balbutiantes de vieillard, par ce chevrotement hésitant et caduc, un accent inexprimable de grandeur.

Tenu par le maître d’école, l’harmonium suivait péniblement, tirant de son ventre un nasillement de notes essoufflées.

Puis le Libera retentit, comme une lamentation sur le seuil de l’éternité.

La fosse était creusée, tout au fond du cimetière, contre le mur de la sacristie. Tout autour les croix de bois, lavées par les pluies, effritées par les hâles, se penchaient dans tous les sens, comme si une tempête avait passé sur ces symboles, les balayant et les éparpillant de son souffle. Et il y avait sur ces tombes une végétation exubérante d’herbes sauvages, de frêles graminées, hérissant leurs épis barbus, pareils à des épis d’orge ; dans ce champ de la mort, des coquelicots étalaient par places leur large tache de pourpre saignante, éclatante et chaude, qui vivait tumultueusement au soleil. Tout au fond, contre le