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comme aux festins de mariage, un amoncellement de victuailles, un défilé de plats interminable pour contenter les robustes appétits. La soupe, le bœuf, parfois une fricassée de lapin, et c’est tout. Seulement les années où le vin est bon, il finit tout de même par échauffer les têtes, et il se fait autour des tables un tumulte de conversations joyeuses, tant l’oubli est facile.

Pour un peu, on chanterait les chansons du dessert, et cela parfois cause du scandale, mais l’usage se maintient, car on ne peut pas renvoyer ses invités, le ventre vide.

La vieille mère Catherine avait retrouvé un peu de sa présence d’esprit, pour donner aux marmites, fumant dans l’âtre, son coup d’œil de maîtresse de maison et de cuisinière expérimentée. Elle allait et venait, soulevant les couvercles, goûtant les sauces, donnant des ordres aux femmes de service, qu’on avait louées pour la circonstance.

Quand tout fut prêt, elle rentra dans son chagrin et disparut.

D’abord tout alla bien. On s’observait d’un bout à l’autre de la table. On mangeait silencieusement, avec une componction, une gravité solennelle et recueillie. Et sur l’assistance planait un imperceptible frisson de gêne, quelque chose comme un souffle venu de l’au-delà, qui oppressait les poitrines et qui liait les langues.

Mais à la longue on s’y fit. Alors comme ces paysans étaient venus de villages éloignés et qu’ils n’avaient guère l’occasion de se trouver réunis au cours de l’année, ils se demandèrent des nouvelles de leurs santés et de l’état des récoltes.