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Un grand bruit éclata : c’étaient deux jeunes paysans qui se chamaillaient à propos d’un héritage, et s’invectivaient en termes grossiers. Cela peina tout le monde et on dut mettre le holà. Et comme si une honte se fût emparée de toute l’assistance, les conversations reprirent à voix basse.

Vers la fin du repas, un vieux se leva, un vieux tout blanc, dont la face était encadrée d’un collier de barbe rude, dont la chemise de grosse toile était toute plissée, selon la mode ancienne.

Alors d’une voix chevrotante, il récita lentement les prières des morts :

Requiem æternam dona eis, Domine.

Le silence s’était fait profond, religieux, solennel. Des voix répondaient :

Et lux perpetua luceat eis !

Une émotion planait sur l’assistance. Tout le monde se tenait debout. Des paysans, les mains croisées sur le dos de leur chaise, baissaient respectueusement la tête, cherchant à imprimer à leurs visages rougeauds un air de recueillement. Et le silence était plein de la pensée des morts.

Puis on se sépara avec des poignées de main, de gros rires, des embrassades, en souhaitant de se revoir bientôt, dans des occasions plus plaisantes.

Il se fit un grand vide dans la maison.

Pierre n’est jamais revenu…

Le jour des morts, là-bas, en Lorraine. De tous les plis du sol montent des glas étouffés, qui traînent mé-