Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/39

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La mère morte, la maison autrefois si vivante était retombée à une sorte d’abandon. Cela venait de partout, cette lente tristesse qui planait dans le logis, l’emplissait d’une poussière grise. Elle s’exhalait des lits défaits, laissant traîner leurs draps sur le plancher, de la vieille armoire lorraine dont les cuivres, n’étant plus astiqués, ne luisaient plus. Et l’âtre, cette joie de la maison, était lamentable avec ses bouts de tisons à demi consumés, enfouis dans des monceaux de cendre qu’on ne balayait pas.

Jusqu’au vieux Dominique qui l’ennuyait maintenant avec ses continuelles jérémiades, ses pleurnicheries regrettant le temps passé, les forces disparues, déplorant les rhumatismes qui ankylosaient ses vieilles jambes. « On n’est plus bon à rien, quand on est vieux ! Pour ce qu’on fait sur la terre, vaudrait mieux crever tout de suite ! » Pierre l’aimait pourtant d’une affection rude et droite, un peu par devoir, comme aiment les paysans. Mais la vie n’était pas gaie tous les jours, avec un compagnon aussi maussade ! Avec cela qu’il retombait en enfance, s’embarquait dans de longs récits cent fois entendus, qu’il ressassait, s’embrouillant dans les détails, confondant les noms, répétant les mêmes mots avec une obstination monotone. Pierre souriait : « on la connaissait celle-là. — Il la savait par cœur. » — Le vieux « fonçait » droit devant lui, comme un sourd. Pierre avait beau se raisonner : le vieillard aurait fait damner un saint, avec ses rabâchages, où les mots revenaient, comme des bornes le long d’une route poussiéreuse. Comme si l’âge avait brisé en lui le dur ressort de l’égoïsme, il était pris à tout moment d’accès de sensiblerie, de mouvements