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DEUXIÈME PARTIE




Les jours suivants furent bien tristes, dans leur pesante monotonie. Engourdie par une sorte d’hébétement, Marthe ne cherchait même pas de raisons pour s’expliquer le départ de Pierre, pour justifier son silence. Et elle se détournait de l’avenir avec épouvante, n’y trouvant que motifs d’appréhension.

Elle n’osait pas sortir. Les moindres aspects des chemins, la borne d’un champ, le pignon aigu d’un toit lui donnaient une vive secousse au cœur, en lui rappelant les moments d’ivresse et de confiance disparus. Un soir qu’elle avait poussé jusqu’au hangar ouvert sur les jardins, les bruits familiers qu’elle entendit comme autrefois, le souffle paisible de la vache, le grignotement inquiet des lapins lui donnèrent l’illusion de toucher de la main son bonheur anéanti et la jetèrent dans une crise de désespoir si aiguë, qu’elle craignit de devenir folle.

L’hiver fondait en boue.

Elle passait la journée dans sa chambre, cachée derrière ses rideaux, ne bougeant pas, ne vivant pas, s’abîmant dans une contemplation morne. Les travaux