Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/130

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rapprocher de l’église ; quant à lui, il n’a jamais eu le moindre penchant a changer de religion, parce que s’il devenait chrétien, il faudrait, dit-il, qu’il oubliât ses parents trépassés, auxquels il a le plus grand soin de faire de temps en temps de petits sacrifices. Ses affairés ne sont pas brillantes, car il a dix ticaux d’intérêt à payer pour une petite somme de cinquante ticaux qu’il a emprunté, l’intérêt étant, à Siam, de vingt et de trente pour cent. En outre, il a les impôts à acquitter : douze ticaux pour ses deux fils, huit pour son champ de poivre, un pour son porc, quatre pour sa maison, un pour son foyer, un pour le bétel qu’il cultive, deux shellungs pour ses cocotiers, deux pour ses arbres à dourions, un tical pour ses aréquiers ; total, trente-neuf ticaux. Le revenu de sa terre étant de quarante, tous frais payés, que peut-il faire avec le tical unique (deux francs cinquante centimes) qui lui reste ? Les malheureux cultivateurs dans le genre de celui-ci, et ils sont nombreux, vivent de riz qu’ils obtiennent des Siamois en échange de l’arec, puis de quelques légumes.

J’éprouvai beaucoup de plaisir, de bonheur, pourrais-je dire, dans le séjour de ces lieux si beaux et si tranquilles, et en même temps si riants et si imposants. Ces montagnes sont entrecoupées, ou par des vallons animés du murmure des ruisseaux à l’eau fraîche et, limpide, ou par de petites plaines parsemées de quelques modestes cases, appartenant à de laborieux Chinois, tandis qu’à peu de distance s’élève la vraie montagne avec ses rochers grandioses, ses grands arbres, ses torrents et ses cascades.