Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/132

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ce matin à la pointe du jour, il se vêtit de ses meilleurs habillements, de sorte qu’en le voyant si beau, je me demandai ce qu’il pouvait y avoir de nouveau au logis. Après avoir nettoyé une planche fixée en guise de table au-dessous d’un dessin qui, sous la forme d’un pantin tirant la langue, ayant des grilles aux pieds et aux mains et une longue queue de singe, représente le père d’Apaït, celui-ci prit trois petites tasses, les emplit de thé, mit les bonbons dans une autre et plaça le tout sur la planche qui fait fonction d’autel. Il alluma ensuite deux morceaux d’un bois odoriférant, et commença ses prières : c’était un sacrifice qu’il faisait aux mânes de ses parents, avec l’espoir que leur âme viendrait goûter aux bonnes choses qu’il leur offrait.

À l’entrée du jardin d’Apaït, en face de sa case, j’ai fait avec quelques bâtons et des branches d’arbres une espèce de séchoir, couvert d’un toit de feuilles, où je sèche les grosses pièces, comme singes gibbons, blancs et noirs, chevrotains, buses, calaos, ainsi que mes boîtes d’insectes ; cela attire une foule de curieux siamois et chinois qui viennent voir le farang et admirer ses curiosités.

Nous venons de passer le premier jour de l’an des Chinois, qu’ils ont fêté pendant trois jours. Plusieurs d’entre eux demeurant à une grande distance ont profité de ce temps pour nous faire visite, et, par moments, la maison d’Apaït, le vaste terrain battu qui est devant son jardin, tout était rempli de visiteurs en habits de fête. Beaucoup me demandaient des médicaments, car, à la vue de mes instruments, de ma trousse de naturaliste et de mes bocaux,