Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/157

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tirer ensuite avec le fruit de leurs vols s’ils n’étaient pas en force pour rester en possession du terrain. Mais leur complot fut révélé ; les Cambodgiens furent appelés de tous les environs et armés tant bien que mal, et le guet-apens avorta. Mun-Suy, craignant alors que les choses ne tournassent mal pour lui, s’embarqua sur sa jonque avec ses complices et tomba à l’improviste sur Itatienne. Le marché fut saccagé en un moment ; mais les Cochinchinois, revenus de leur surprise, repoussèrent les pirates et les forcèrent à se rembarquer après leur avoir tué plusieurs hommes. Mun-Suy revint à Kampôt, gagna le gouverneur de la province, puis le roi lui-même par de beaux présents, et se livra à des actes de piraterie tels que son nom devint redouté partout à la ronde, et cela impunément. Des plaintes s’élevèrent des pays voisins, et le roi, soit par crainte, soit pour se l’attacher et être protégé contre les Annamites en cas de besoin, le nomma garde-côtes. Depuis ce temps, ce pirate est devenu brigand commissionné et titré, et les meurtres et les vols n’en sont que plus fréquents, à un point tel que le roi de Siam a envoyé des navires à Kampôt pour s’emparer de ce malfaiteur et de sa troupe ; mais deux des brigands seulement furent arrêtés et exécutés sur-le-champ ; quant à Mun-Suy, il fut caché, dit-on, dans le palais du roi même.

Quelques jours après mon arrivée, je m’installai dans une maison construite par les ordres et aux frais du roi pour abriter les négociants européens, qui rarement viennent à Kampôt. L’abbé Hestrest me fit les honneurs de la ville : le marché, tenu en