Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/174

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tueusement les oreilles et la trompe en mouvement, s’arrêtaient devant de nombreuses processions se rendant aux pagodes au son d’une musique bruyante, et plus loin des talapoins se suivaient à la file, quêtant leur pitance, drapés dans leur manteau jaune et la sainte marmite sur le dos.

Le troisième jour de mon arrivée à Udong, la séance de la cour de justice avait été bruyamment ouverte à huit heures du matin, et les cris des juges et des avocats retentissaient encore à cinq heures du soir sans avoir cessé un instant, lorsque tout à coup deux pages sortirent de la cour du palais en criant : « Le roi ! » La foudre serait tombée dans la salle qu’elle n’eût pas produit un effet pareil à ces mots ; ce fut à l’instant un sauve qui peut général. Juges, accusés et curieux s’enfuirent pêle-mêle, se cachant dans tous les coins la face contre terre et comme pétrifiés. Je riais encore au souvenir de ces juges et de ces avocats en langoutis, de ces Chinois à longues queues, fuyant, se poussant, se culbutant les uns les autres à l’approche de leur maître, lorsque le roi parut, à pied, sur le seuil de la porte et suivi de ses pages. Sa Majesté me fit un petit signe de la main comme pour me saluer, puis m’appela près d’elle. Aussitôt deux pages apportèrent des chaises qu’ils placèrent sur le gazon en face l’une de l’autre. Sa Majesté m’en offrit une, et la conversation commença dans ce salon improvisé, tandis que toute l’escorte, ainsi que les passants, demeuraient prosternés. Aussi loin que la vue pouvait s’étendre, elle ne rencontrait aucun homme debout.

« Comment trouvez-vous ma ville ? dit le roi en